« La Campagne » de Martin Crimp par la Cie du Talon Rouge avec Catherine Javaloyès, Nancy Guyon et François Kergourlay.
Costume Gwendoline Bouget, scénographie Alexande Fruh, musique Pascal Doumange, création lumière Xavier Martayan, travail chorégraphique Marie Dufaud, dramaturgie Pascal Lequesne, collaboration artistique Guillaume Clayssen
La Campagne de Martin Crimp est un huis clos structuré où l’ordinaire d’une triangulation amoureuse prend des allures de thriller psychologique, parfois de vaudeville verdoyant ou encore de tragédie contemporaine cachée sous le ludique et l’artifice. Dans cette pièce traduite de l’anglais, l’auteur dessine avec finesse des personnages aux traits simples qui avancent dans leur propre obscurité, au bord de leur propre vide.
L’histoire
Richard et Corinne, ont quitté Londres depuis peu pour vivre à la campagne. Le couple voit son équilibre perturbé par des personnages absents et par la présence lancinante d’un troisième personnage : Rebecca. Cette jeune femme que Richard prétend avoir trouvée étendue sur le bord d’un chemin, est en fait sa maitresse.
L’écriture
L’écriture de La Campagne , très « pintérienne », avance sur le mode du secret, de l’ellipse, de la répétition et de l’étrange. On pourrait dire qu’il ne s’y passe rien – mais ce n’est qu’une apparence. La parole fait office de trompe l’œil. C’est là que se cache l’action. Une parole au rythme syncopé, cisaillée et fluide en même temps, capable d’interroger, de mentir. Elle domine et esquive. C’est la force de cette pièce – labyrinthe qui joue avec des indices et des fausses pistes. Avec le parti-pris de nous perdre, elle se présente comme une carte avec des carrefours, des culs-de-sacs brutaux, des demi-tours. Loin de tout dogmatisme, dans cette partition de mots finement orchestrés, l’auteur matérialise des êtres qui dévoilent leurs fissures au fur et à mesure qu’ils se livrent dans le discours. La parole est narratrice. Ce théâtre est un « théâtre – dans – la – tête ».
La Campagne est une écriture à la fois limpide et entremêlée ; écriture limpide car l’intrigue, centrée sur la triangulation amoureuse est relativement classique ; écriture entremêlée, car ses particularités linguistiques et sa structure dramatique nous amènent vers une autre réalité, plus enfouie, à la fois subtile et intrigante. Un suspens presque cinématographique qui tient le spectateur en haleine. Dans une pudeur très anglaise, les signes transparents au début de la fable, se tordent au point de nous dévoiler des êtres complexes, aux dialogues incisifs, inattendus et drôles.
Thématiques
Dans La Campagne il est question du couple et de ses dérivés : amour et désamour, crise et complicité, errance individuelle, quête de bonheur et perte de repères, désir masculin ou féminin, mensonge et vérité, illusion et réalité, communication et échecs de la parole.
Mais La Campagne ne pourrait-elle pas être aussi, comme le dit le bAbel, un autre songe (mensonge ou cauchemar) d’une autre nuit d’été ? The country, c’est peut-être partout et nulle part, c’est un non lieu, une atopie que l’on croyait une utopie comme cette Arcadie imaginaire peinte par Virgile dans les Bucoliques .
Plus d’informations sur:
http://www.compagnie-letalonrouge.fr/